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Les débuts du tourisme en Périgord

Les débuts du tourisme en Périgord

Mémoire vivante

de la Société Historique et Archéologique du Périgord

Numéro 11 - avril 2021‍

 

Les débuts du tourisme en Périgord

 

 « Je voyage pour voyager », écrivait George Sand dans Un été à Majorque : le livre est publié en 1842, au début de ce que l’on appelle le tourisme. Mais à partir de quand a-t-on commencé à voyager pour le seul plaisir ? Excluons les pèlerins, les commerçants, les explorateurs, les colons, tous ont un autre but.

 S’il faut un point de départ, pensons à Montaigne qui est parti vers l’Italie le 22 juin 1580, accompagné de proches et de domestiques et qui n’a retrouvé son château que le 30 novembre 1583, après avoir notamment séjourné à Venise, Florence, Pise, Rome et pris les eaux près de Lucques pour soigner sa gravelle.

Ce n’est pas tout à fait ce que l’on comprend aujourd’hui quand on parle de tourisme. Voyager pour voir des curiosités — monuments, musées, sites remarquables, etc. —, cela débute vraiment à la fin du XVIIIe siècle, de l’autre côté de la Manche. Les jeunes Anglais de familles très aisées, et des artistes, venaient à Paris mais quittaient la capitale et séjournaient surtout en Italie : ils faisaient ainsi leur "Grand Tour". C’est de là que vient le mot "touriste" (1803), d’abord et longtemps employé à propos des Anglais, encore dans le Dictionnaire de Littré : « Se dit surtout des voyageurs anglais en France, en Suisse et en Italie ». Quant au mot "tourisme", il est employé pour la première fois par Stendhal dans les Mémoires d’un touriste (1838).‍

 

Et le Périgord ? Il fallait que les futurs touristes puissent se déplacer aisément pour venir dans la région, ce ne sera possible qu’avec l’introduction et le développement du chemin de fer, puis avec la mise en place de structures hôtelières. En effet, malgré l’amélioration générale des routes après 1750, il fallait beaucoup de temps pour circuler d’une région à l’autre. La ligne Bordeaux-Périgueux existe à partir de 1857, celle de Périgueux-Brive est ouverte en 1860, Limoges-Périgueux l’année suivante, Périgueux-Capdenac en 1867, Limoges-Agen en 1863, Hautefort-Brive en 1898, Hautefort-Sarlat un an plus tard.  Par ailleurs des trams complètent ce réseau et l’ensemble permet, plus aisément à partir de Périgueux que de Bergerac, de parcourir une bonne partie du département.

En 1861, on comptait 90 auberges à Périgueux, toutes ne recevant pas les voyageurs pour la nuit. Après 1880, elles disparaissent progressivement au profit des restaurants au sens moderne et, surtout, des hôtels-restaurants qui, outre qu’ils nourrissent et logent les voyageurs, ont plusieurs voitures pour aller les chercher à la gare. Ces établissements ont tous disparu en tant que tels ; à Périgueux l’Hôtel de France a fait place au Monoprix, l’Hôtel de l’Univers s’est transformé en Hôtel de Ville, l’Hôtel du Commerce a été démoli pour laisser place à la galerie Sainte-Cécile en 1896, etc.‍

On ne sait pas qui furent les premiers touristes en Périgord mais on connaît leurs destinations favorites : à Périgueux, la cathédrale Saint-Front, dont les travaux de rénovation sont achevés en 1895, et la Tour de Vésone ; en Périgord noir, la grotte de Rouffignac (dite aussi "grotte de Miremont" ou "cro de Granville"), connue depuis fort longtemps et répertoriée comme attraction. Le célèbre guide Baedeker écrivait en 1906 : « L’entrée est étroite et le sol à peu près partout glissant ; on ne saurait la visiter sans le gardien ».

Les touristes se rendaient aussi aux Eyzies et dans ses environs ; les nombreuses grottes et les découvertes des préhistoriens attiraient en effet déjà beaucoup de curieux. L’intérêt pour l’histoire et les monuments anciens élargit l’espace des visites : les bastides et les villages remarquables deviennent des lieux recherchés.

Pour mieux renseigner les visiteurs chaque année un peu plus nombreux, un Syndicat d’Initiative du Périgord est créé en 1905 (enregistré au J.O. en juillet 1913), et les premières affiches touristiques sont diffusées à partir de 1906. Même à ses débuts, le tourisme constituait un apport non négligeable pour l’économie locale : les conserves du pâté de Périgueux et des truffes se vendaient dans les hôtels et en ville, tout comme les boîtes de cèpes. Mais on était loin de l’essor extraordinaire qu’il prendra en Périgord beaucoup plus tard, à partir des années 1980.‍

Chantal Tanet

Bibliographie et illustrations
Michel Genty, "Le désenclavement routier et ferroviaire des villes du Périgord et du Bas-Limousin au XIXe siècle", in Annales du Midi, Revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, tome 90, n° 153, 1981, p. 279-291, en ligne sur Persée.

Cartes postales (2, 3, 6) : Fonds B. et G. Delluc
Affiches (7, 8) : M.-F. Bunel‍ avec l'aimable autorisation de la famille Blois - Domaine d'Antoniac à Razac-sur-l'Isle

 

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